Je me suis plongé au plus profond de la forêt. La pleine lune crée un contraste saisissant entre ses faisceaux de projecteurs, et le noir du sous-bois. Je me cache derrière un gros caillou. Un cerf s'approche. Ses pieds brassent les feuilles et font craquer les branchages secs. Sa tête se relève, balançant ses bois majestueux vers l'arrière. Il lance son brame, profond, impressionnant, qui me fait vibrer avec lui et toute la terre autour. Impression primitive, paléolithique. Je suis émerveillé que nous puissions, à quelques kilomètres de la ville, vivre de tels moments, comme l'ont fait nos ancêtres il y a dix mille ans et plus.
Les populations de cerfs se sont développées sur le Jura à la faveur d'une gestion forestière écologique, et d'une chasse équilibrée. Même le loup pointe son museau à l'ouest de la chaîne, bienvenu, au moment où les populations d'ongulés deviennent si importantes qu'elles gênent la repousse naturelle de la forêt. Oui , nous avons recréé là, sur les pentes du Jura vaudois, un morceau de paradis terrestre, à la portée de tous les amoureux de la nature.
Seule ombre au tableau : les nombreux chemins forestiers qui sillonnent cet espace sont abusivement utilisés par des automobilistes. C'est incompréhensible, d'abord parce que cela est interdit par la loi fédérale, et que la route carrossable de la Dôle est à quelques centaines de mètres ; mais surtout parce qu'il est tellement magique d'avancer silencieusement à pied dans la profondeur de la forêt pour s'approcher progressivement, lentement, avec respect et reconnaissance de ses animaux, sans les déranger.
Il ne vous viendrait pas à l'idée d'aller visiter un musée ou d'entrer dans une cathédrale en voiture !