Philippe Roch
Développement Durable
Black 47
Triste anniversaire ! Il y a 160 ans 1 million de personnes mourraient en Irlande, et 1 million devaient émigrer, à cause d'une famine provoquée par le mildiou de la pomme de terre, dans une population miséreuse de petits fermiers qui dépendait totalement de ce tubercule. Trois facteurs se sont combinés pour aboutir à ce désastre : la surpopulation, la dépendance d'une seule culture, et la détérioration du climat.
Nous sommes peut-être en train d'emprunter le même chemin, à l'échelle mondiale. L'agriculture industrielle nous fait dépendre de quelques variétés de riz, de blé et de maïs, ce qui rend ces cultures fragiles en cas de maladie ou de changements climatiques. La population à nourrir a doublé depuis 1960 et quadruplé depuis 1900, et les terres cultivables diminuent, à cause des sécheresses et des inondations selon les régions.
La conquête de nouvelles terres sur des espaces naturels nous prive des réservoirs de la biodiversité, seuls capables de régénérer nos plantes domestiques, et la mondialisation déstabilise les marchés locaux au détriment des petits paysans qui sont les gardiens de la variété génétique des plantes cultivées.
Il faut prendre trois mesures pour éviter un Black 47 planétaire : maintenir de vastes espaces naturels, stabiliser et progressivement réduire la population humaine, et soutenir une agriculture locale, diversifiée, en harmonie avec la nature.
Growth and globalization
Growth and Globalisation
Growth and globalisation are two close relatives, but they are not identical.
Globalisation deals with free movements of people and goods, worldwide communication, transfer of technologies, share of knowledge, ideas and cultures.
Growth deals with quantities of persons and goods. Globalisation is about being more, growth about having more.
Globalisation is a strong driver of growth. Free trade, multinational companies, easy transportation, and rapid communications open opportunities for investments and create markets for local production. The globalisation-growth nexus creates opportunities for sustainable development, so long as it does not exhaust non renewable resources nor overuse and destroy natural ecosystems.
Growth is a paradox, because we need growth to meet the needs of people, especially the poorest among us, but a permanent global growth is impossible in a finite system[i]. This limitation to growth has been expressed in different ways by many authors and publications: the limits to growth[ii], the finite world[iii], the full world[iv], and is part of the notion of sustainable development[v].
Studies demonstrate that we already exceed the productive capacity of nature by 25% (the ecological footprint[vi]) or 30 % (the living planet index[vii]), and that 60 % of the ecosystems are overused (the millennium ecosystem assessment[viii]).
One way to decouple economic growth from an increased use of resources consists in developing efficient technologies: do more with less energy, use natural resources in a way to maintain or enhance their productive capacities, recycle materials and wastes. Many studies indicate such possibilities ( Factor 4[ix], the 2000 W society[x]), and political decisions such as the Kyoto protocol are moving in that direction.
But we don’t know, whether it will be possible to meet the needs of a growing population only with improvement in technology. Wiser consumption patterns, a more equitable share of the available goods among all human beings and a stabilisation of human population are all part of the solution.
In Nature the rule “one birth one death” prevails[xi]. Exceptions are local, limited in time and generally followed by population collapses[xii]. Humankind as a whole infringes this rule and doubled between 1900 and 1960 and again between 1960 and 2005. With a stabilised or reduced population, and a more equitable share of production and wiser consumption, technological progress and economic growth could benefit all humankind, while reducing the pressure on nature.
Nature is a model for a globalised system that is not based on growth. Nature is:
One living system, where all elements are interdependent and based on a common genetic basis
Highly diverse
Very dynamic, creative and productive, producing every year 577’000 km3 of fresh water (evaporation), billions of tons of biomass (wood, fuel, medicinal plants, meat, fish)
Recapturing its CO2 emissions and recycling all its products in new resources
Functioning 100 % upon geothermal and solar energy.
Lessons learned from Nature could help us to promote sustainable development.
Dr Philippe Roch, former State Secretary for the Environment , Switzerland
Voeux pour 2007
Je veux faire quelque chose pour que cette année soit vraiment bonne. La Terre va mal. L'humanité consomme en moyenne 25% de plus que ce que la nature peut offrir, et nous les Suisses, 3 fois plus que ce que notre pays peut produire. Aucun système n'est durable dans ces conditions.
Alors je prends 5 résolutions pour la nouvelle année:
Le protocole de Kyoto demande une réduction de 5% des émissions de CO2. Je réduirai les miennes de 10%: 10% de moins de km en voiture et un voyage à l'étranger en moins dans le cadre de mes missions pour l'ONU. Quant au chauffage, les changements climatiques ont déjà fait le travail avec cet hiver doux.
Je ne veux pas de nouvelles centrales nucléaires. Je réduirai donc ma consommation d'électricité de 10% et je renouvelle mon abonnement aux tarifs plus élevés pour de l'électricité renouvelable.
Je doublerai mes dons aux organisations de protection de l'environnement, car elles ont le poids d'infléchir les décisions politiques.
Je veillerai lors de mes achats à choisir les produits les plus écologiques: bio, durable, recyclable, peu d'emballages.
Enfin, puisque nous sommes en année électorale, je voterai pour des candidats qui s'engagent sérieusement à mieux protéger la nature, à développer les énergies renouvelables et les transports publics et à faire payer aux pollueurs les dégâts qu'ils engendrent.
Vous vous joignez à moi? Chiche! Bilan dans une année!
Livrer la nature au marché?
Chargé de la synthèse d’une journée d’études de l’Université de Genève[1], j’ai dû répondre non à cette question. L’environnement ne peut pas être confié au marché, parce qu’il est beaucoup plus que le marché. La nature est source de toute vie, alors que l’économie n’est que l’un des instruments pour améliorer la vie des humains.
Nous venons de la nature, nous vivons de la nature et nous retournerons à la nature.
L’air, l’eau, les paysages, les plantes et les animaux sont des ressources naturelles indispensables à l’économie. Les marchés ne paient pas ces ressources, ni les déchets dont ils polluent la nature.
Même le père de l’économie de marché, Adam Smith a dit que le marché libre ne peut fonctionner sans la vertu. Or la vertu, c’est le respect des autres (la responsabilité sociale) et le respect de la nature (la responsabilité écologique).
Pour que l’économie utilise les ressources avec parcimonie, et diminue les pollutions, il faut fixer des règles (les normes environnementales) et donner un prix aux ressources naturelles, par des taxes préalables d’élimination (par exemple sur les piles et les appareils électroniques) et des taxes environnementales (taxe CO2).
Pour que la politique environnementale soit efficace, elle doit collaborer avec l’économie, sans pour autant se soumettre à elle.
[1] http://www.vur-ade.ch/pdf/veranstaltungen/tagung0610doku.pdf
La valeur de la nature
50 ans de Pro Nature Vaud
La valeur de la Nature
Bilan et perspectives
Par Philippe Roch
La Nature est la source de nos vies. Or c’est au moment où nous avons le plus de capacités scientifiques de comprendre la valeur de la nature pour l’humanité que nous la détruisons à grande échelle. L’article présente une brève histoire de la relation entre l’homme et la nature, une analyse des causes du déséquilibre actuel et quelques idées pour changer le cours des choses.
La ligue vaudoise, 50 ans d’action naturaliste
Je suis particulièrement reconnaissant à Jean Mundler et à vous tous de m’avoir invité à célébrer avec vous ce 50e anniversaire, car mon histoire personnelle avec la Ligue vaudoise a été au début parsemée de conflits, ou plutôt d’irritations dues à des styles et des histoires différentes. Le WWF, remuant, connaissait des succès médiatiques générant un peu de jalousie de la part des naturalistes plus discrets, engagés depuis longtemps sur le terrain. L’affaire du Creux du Croue, que le WWF s’est fait souffler par la commune de St-Cergues sur intervention de Pro Natura est un bon exemple des cette période de tensions.
Pourtant je n’ai jamais cessé d’admirer l’œuvre de la Ligue, puis Pro Natura: je suis un homme de la nature. J’estime que l’action politique est nécessaire, mais notre préoccupation est d’abord la nature. J’ai donc toujours été proche, et membre de Pro Natura. J’ai partagé avec vous beaucoup de beaux moments, et développé de belles relations humaines, avec Pierre Goeldlin, Serge et Florence Monbaron, Pierre Hunkeler, Jean Mundler, Michel Antoniazza, Christian Rouiller, l’équipe de la rive sud. Nous comptons aussi de belles réalisations communes : les campagnes de Pro Natura Helvetica, le Pays d’Enhaut, la Grande Cariçaie.
Vous avez fait un magnifique travail : bravo et merci ! Et je suis heureux que Pro Natura ait réaffirmé son engagement pour la nature, comme cœur de son action.
Sur le plan national
La protection de la nature plonge ses racines dans le romantisme patriotique du 18e au milieu du 20e siècle. Dès le début du XXe siècle, et surtout dans les années 1960 apparaissent l’écologie scientifique et l’écologie politique dont on peut mentionner quelques étapes importantes :
Création de la Commission pour la protection de la nature et du paysage (1936), qui s’est d’abord occupée de l’impact des barrages et des routes.
Inventaire IFP (sur la base du travail de la LSPN) (1963)
Loi sur la nature et le paysage (1966)
Constitution fédérale (1967), mesures urgentes (1970), loi sur l’aménagement du territoire (1980)
Rothenturm (6.12.1987) : l’initiative pour la protection des marais et des paysages marécageux donne clairement des compétences à la Confédération en matière de protection de la nature, réservées jusques-là principalement aux cantons..
Les parcs naturels (nouvelle loi en 2006). Cette loi permet la création de nouveaux parcs nationaux, tant plaidés par Pro Natura, et la création de parcs naturels régionaux au sien desquels il faudra veiller à une haute qualité écologique. L’ordonnance devra prévoir des critères clairs pour l’attribution du label par la Confédération. Le canton de Vaud est concerné par le Parc jurassien vaudois et les projets de Gruyères-Pays d’Enhaut, des Bois du Jorat (périurbain) et encore le Parc National du Muveran pour lequel il ne faut pas baisser les bras.
Les alliances
La protection de la nature ne peut pas réussir toute seule. Elle a besoin d’alliers, même si ces relations peuvent s’avérer difficiles. Je pense en particulier à :
La forêt. La protection de la nature a une longue histoire conflictuelle avec les milieux forestiers, qui ont eu trop d’argent pour construire des routes forestières, puis plus assez pour entretenir la forêt. La situation politique actuelle et l’initiative de Franz Weber représentent des chances à saisir pour une gestion plus naturelle des 30% de la surface de notre pays..
L’agriculture. Le vote populaire du 9 juin 1996 et les exigences de l’OMC, ont provoqué une lente conversion des milieux agricoles. Nous avons besoin de défenseurs de la surface agricole contre le morcellement et l’urbanisation de notre pays.
La chasse. Les rapports avec les chasseurs sont souvent difficiles, mais la collaboration est indispensable. L’exposition Fischen, Jagen Schiessen à Berne en 2004, où l’OFEFP a vanté la protection et l’utilisation durable de la nature a été une occasion de rapprochement entre protecteurs de la nature et chasseurs.
Le tourisme, qui tire ses plus belles images des paysages marécageux et autres sites naturels.
Pourquoi avons-nous échoué sur l’essentiel ?
Nous avons obtenu des succès remarquables, mais nous n’avons pas été capable d’influencer les facteurs fondamentaux qui menacent la nature, parmi lesquels je compte :
· La démographie : La Suisse comptait 3,2 millions d’habitants en 1900, 4,7 millions en 1950 et en compte 7,4 millions en 2006. La population suisse a donc plus que doublé en un siècle.
· Les constructions et l’aménagement du territoire : comment a-t-on pu en arriver là 200 ans après Rousseau, Goethe ou Hodler, et les élans romantiques du XIXe siècle? La pays est miné de routes et de constructions, et la concentration agricole fait craindre le pire pour l’avenir.
· Les routes et le trafic motorisé ont pris des dimensions effarantes, affectant gravement notre vie quotidienne.. Et la voiture fait l’objet d’un véritable culte, qui comprend son temple, la salon de l’automobile et ses nombreux sacrifices humains. Il y a eu cette année 700'000 visiteurs au salon de l’automobile à Genève et 500 au congrès Natur à Bâle. Nous avons perdu en 1978 l’initiative pour la démocratie dans la construction des routes nationales, mais gagné l’initiative des Alpes le 20 février 1994. Ne nous décourageons pas !
· Le bruit. Notre espace est totalement envahi par le bruit. Tout le monde en souffre, psychiquement et physiquement, mais dans le brouhaha des voitures, des motos, des avions, des concerts open air et des stades de football, on n’entend aucune protestation. J’ai le sentiment que les citoyennes et les citoyens sont découragés et qu’ils se sentent impuissants. Et les autorités politiques refusent d’empoigner le problème et se contentent de construire de coûteux murs antibruit et de prendre des mesures sectorielles peu efficaces.
Les grands défis mondiaux
Sur le plan mondial, la situation est dramatique. La vaste étude du « Millenium ecosystem assessment » a d’une part mis en évidence la valeur économique de la nature : 70 milliards de USD par an pour les produits de la pêche (UNEP 2006), 17 milliards (USD) par an pour l’alimentation, 2 milliards par an pour le climat, 2,8 milliards par an pour l’eau. En Suisse la contribution des forêts protectrices est évaluée à 4 milliards de francs par an. D’autre part l’étude a montré que60% des écosystèmes sont déjà surexploités.
Démographie : 2,5 mia en 1950, 6 mia aujourd’hui. Au lieu d’utiliser le progrès à vivre mieux, dans un monde riche et diversifié, on l’utilise à vivre plus nombreux, avec toujours plus de pauvres.
Biodiversité : perte de diversité. Johannesburg : stoppée jusqu’en 2010.
Mers : ¾ des espèces de poissons surexploitées. 50% des Mangroves détruites.
Forêts : 1% de forêts tropicales détruites chaque année. Brésil 2005, surface aussi grande que la Suisse. Biocarburants.
Désertification : Afrique : 485 millions en marge des déserts
Eau : 1,4 milliards d’humains sans accès à de l’eau potable. Ecosystèmes. Déclaration World Water Forum (La Haye 2000, Kyoto 2003, Mexico 2006)
Climat : la danse des sorciers autour du feu.
L’idéologie de la croissance
La politique de la croissance est une idéologie, car elle n’est pas fondée sur des constats scientifiques.
Le consensus de Washington dans les années 1960 a établi d’autorité que la croissance est la solution pour lutter contre la pauvreté. Or à cause de la surexploitation des ressources naturelles et de l’augmentation de la population il y a davantage de pauvres aujourd’hui qu’en 1960 !!!
Nous sommes en présence d’une idéologie politique car la croissance globale est impossible dans un système limité. L’économiste Georgiescu Roegen a dit : « celui qui pense qu’il est possible de croître indéfiniment dans un monde fini est un fou ou un économiste ».
En 1857 déjà John Stuart Mill se posait la question „A quelle finalité la société tend-elle par son progrès industriel? Quand le progrès s’arrêtera, dans quel état peut-on s’attendre qu’il laisse l’humanité ?“
Même Adam Smith, le chantre de la main invisible et père du néolibéralisme avait reconnu que les mécanismes du marché libre ne pouvaient pas conduire au progrès sans la vertu.
Pourtant les signaux d’alarme n’ont pas manqué. En 1968 Rachel Carson publiait le printemps silencieux, pour dénoncer les pollutions chimiques. Dès 1972, les prises de position se multiplient :
Club de Rome « limites de la croissance » (1972)
« Nous n’avons qu’une terre » : Barbara Ward et René Dubos
« Population, ressources et environnement » de Paul et Anne Ehrlich
« Changer ou disparaître », The Ecologist
« Avant que nature ne meure », de Jean Dorst (1978)
Pro Natura 1987 : « Croissance et développement : où allons-nous ? La protection de la nature et de l’environnement réclament un arrêt de la croissance »
Quant à Robert Hainard, dont nous célébrons cette année le 100e anniversaire, il a consacré une grande partie de son œuvre à la critique de la croissance, qu’il a clairement séparé du progrès. Il a imaginé un monde technologiquement très développé dans une vaste nature sauvage. « Le but vers lequel tendre, c’est une civilisation où la technique servira à épargner la nature et non pas à la détruire ». Et encore : « Au cours de sa vie, la grenouille a un ou deux milliers d’œufs, dont deux aboutiront à des individus reproducteurs ». « Une expansion démographique indéfinie est impossible. Une vie doit remplacer une mort, c’est la règle fondamentale qui ne souffre que de brèves dérogations. »… « Est-il sensé, pour maintenir pendant quelques générations un excédent démographique, de sacrifier (si c’était possible) toute vie sauvage, de défricher la Terre entière, de supprimer toute liberté, tout amour (car pas de liberté sans espace, ni d’amour sans choix) pour nous heurter bientôt, de toute manière, au bilan implacable : une vie pour une mort – eût-on défriché l’Amazonie, irrigué le Sahara, le désert de Gobi, urbanisé l’Antarctique ? Le pire fléau pour une espère est la surpopulation.». Le récent ouvrage de Jared Diamond, Effondrement, lui donne raison en confirmant que bien des civilisations ont disparu parce que leur population a crû au delà de la capacité de leur milieu à les nourrir.
Le développement durable
La notion de développement durable est un effort de réconciliation entre les besoins de développement humain et ceux de la protection de la nature. En résumé il s’agit de faire mieux avec moins. Mais cette notion a été utilisée à toutes les sauces et nous visons dans une
confusion générale qui conduit à des expressions aussi absurdes que « croissance durable ». Dans le développement durable, il n’y pas égalité, mais une alliance entre nature, économie et société.
Le développement durable, c’est l’organisation de l’économie et de la société de telle manière à conserver à long terme la beauté, la diversité et la productivité de la nature. Grâce à cette approche, la nature peut offrir de manière durable ses services inestimables à l’économie et à la société.
Ce sont l’UICN, le PNUE et le WWF qui en 1980 ont créé la notion de développement durable. La Stratégie mondiale de la conservation est sous-titrée : « La conservation des ressources vivantes au service du développement durable », et elle contient déjà l’essentiel des notions qui sont à la base des travaux de la Commission sur l’environnement et le développement et de la Conférence mondiale sur l’environnement et le développement de Rio de Janeiro en 1992. La définition la plus répandue est celle que l’on trouve dans le Rapport de la commission : « Le développement soutenable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ».
économie
société ∆ environnement
Fig. 1 : le triangle du développement durable
Le développement durable est souvent représenté par un triangle aux trois pointes égales (fig 1), la sociale, l’économique et l’environnementale. Cette représentation a l’avantage d’être simple, mais elle peut conduire à une perception erronée de la réalité. Pour simplifier disons que la nature a vécu des millions d’années sans êtres humains, alors que les êtres humains ne survivraient pas une seule minute sans la nature. Il n’y a pas égalité, mais relations multiples et dépendances entre les trois pôles du développement durable :
La nature constitue le fondement sur lequel la vie, y compris la vie économique et sociale se développe.
L’économie, c'est-à-dire la production agricole, industrielle, la construction et les services créent des biens qui contribuent à couvrir les besoins des humains et à leur épanouissement. Une économie durable est efficace et économe en ressources naturelles. Elle contribue ainsi à détendre la pression des humains sur la nature.
La justice sociale permet une répartition équitable des biens produits, et une participation démocratique aux processus de décision. Elle évite la destruction de ressources par nécessité. Chaque personne comprend mieux pourquoi il faut protéger et gérer durablement les ressources naturelles et prend ainsi mieux ses responsabilités vis-à-vis de l’environnement.
En attendant mieux, je propose le schéma suivant (Fig 2) pour illustrer le développement durable :
Une vaste nature, au sein de laquelle se développe la vie humaine, mais qui va bien au-delà.
L’épanouissement humain, posé comme une flèche, parce qu’il est le but du développement durable, ou une maison, parce qu’elle exprime l’humain par différence avec son complément la nature, sur l’humus de la nature, dont il tire un profit direct (l’air, l’eau, la cueillette des fruits sauvages, la chasse, la jouissance d’un beau paysage, la tranquillité, l’inspiration mystique, etc.) et auquel il apporte soins et protection.
Le moteur économique qui exploite les ressources naturelles pour créer des biens et services. Ce moteur est durable si son efficacité permet d’économiser les ressources et de les recycler.
Le seul apport extérieur à ce système qui puisse compenser l’augmentation de l’entropie (2e principe de la thermodynamique) est l’énergie solaire.
Aujourd’hui ce système est boulversé car le moteur économique est devenu un but en soi. Il a pris des proportions démesurées. Il a volé la priorité à l’épanouissement humain et provoque des destructions massives de la nature.
Fig. 2 : Un développement durable basé sur la nature, pour l’épanouissement humain
Je déduis de ces réflexions trois questions qui permettent d’apprécier si un projet va dans le sens du développement durable :
Par son emplacement, son emprise, les précautions prises et les compensations envisagées, le projet permet-il de maintenir, voire d’augmenter les valeurs naturelles telles que paysage, et biodiversité ?
Le projet permet-il d’améliorer les conditions de vie de la population humaine dans sa zone d’influence, telles que qualité de vie, formation, culture, participation, emploi ?
Le projet permet-il de produire un bien en réduisant la consommation de ressources et en favorisant leur recyclage ?
Et demain ?
Malgré nos échecs, l’action des organisations de protection de la nature et de l’environnement a apporté une contribution inestimable à la sauvegarde des ressources naturelles et au bien être de l’humanité. Il faut donc poursuivre cette action sur le terrain par des mesures concrètes, par un engagement politique local, national et international, par la promotion des valeurs de respect, de frugalité et d’amour, et par l’éducation des enfants, des jeunes et des adultes.
Il faut s’engager pour maintenir le droit de recours, qui s’est révélé un instrument efficace pour l’application des lois. Ce droit n’est en rien abusif comme le montrent les dernières statistiques : 16 organisations ont interjeté 244 recours pour 100'000 autorisations, et 82 % des recours ont été acceptés par les Tribunaux, montrant leur bien fondé.
Mes cinq messages :
L’engagement personnel, à tous niveaux, est la clé du succès : prendre position, éduquer, s’engager.
L’alliance avec l’agriculture est capitale
Il faut s’attaquer à nouveau à la question de l’aménagement du territoire
Croissance, routes et démographie : des tabous à briser
Le développement durable peut devenir un fourre-tout dangereux pour la nature : restons fidèles à la nature, fondement du développement durable.
Une mondialisation sur le modèle de la nature
Philippe Roch, directeur de l'OFEFP, souhaite que l'on prenne davantage en compte les aspects non économiques de la mondialisation. Celle-ci doit également intégrer les questions sociales et environnementales. Pour que le processus de mondialisation se fasse de manière équilibrée, il faut faire davantage d'efforts dans les domaines du commerce, de la chimie, du climat, de l'eau, de la biodiversité et de la sécurité biologique.
Les tensions politiques, les guerres, les migrations, la pauvreté, la destruction de la nature ne sont pas dues au hasard, mais à des déséquilibres en grande partie générés par les êtres humains eux-mêmes.
Plus d'un milliard et demi d'êtres humains n'ont pas accès à de l'eau propre, et les bases d'existence des plus pauvres se détériorent constamment. Chaque année, 10 millions d'hectares de terres irriguées doivent être abandonnés et plus de 12 millions d'hectares de forêts sont détruites seulement sous les tropiques. Quelque 24% des mammifères vivants sont gravement menacés de disparition. De nombreuses terres sont en voie de désertification, privant des populations entières de tout espoir de développement.
Le processus de mondialisation tel qu'il se déroule actuellement ne peut pas résoudre ces problèmes. Il comporte au contraire de graves dangers pour l'environnement de la planète, pour la sécurité et pour le développement, parce qu'il est incomplet et qu'il conduit à la domination d'un système économique et politique sur tous les autres.
Equilibre dynamique fondé sur la diversité
Or la nature nous donne un modèle de mondialisation, de globalisation qui a survécu pendant des millions d'années sans se détruire, sans faire faillite, en produisant une quantité inimaginable de biens et une infinie diversité. Au cours de l'évolution, chaque fois qu'une espèce s'est multipliée au point de dominer les autres, elle a subi des revers catastrophiques - tels que famines ou épidémies - qui ont ramené sa population à un niveau raisonnable.
Construite sur des éléments biochimiques simples communs à tous les êtres vivants, la nature s'est diversifiée infiniment, créant toutes les variations possibles de formes et de couleurs dans une grande communauté vivante dont tous les membres dépendent les uns des autres.
Le prédateur dépend de la disponibilité des proies pour survivre, mais les proies dépendent de la présence des prédateurs pour que leurs populations restent en bonne santé et en nombre raisonnable. Dans la nature, personne ne domine l'autre, mais tous dépendent les uns des autres, dans un équilibre dynamique fondé sur la diversité.
Principes de respect
Pour atteindre des objectifs de développement, de paix et de sécurité, la mondialisation devrait s'inspirer de la nature, et reposer sur quelques principes simples de respect et de solidarité:
- Le respect de tous les groupes humains , dans la diversité de leurs cultures et de leurs économies, qui se sont développées en liaison étroite avec leur environnement.
- Le respect de la nature et de l'environnement , qui constituent la maison dont nous dépendons totalement, malgré l'illusion de puissance et d'indépendance que peuvent faire naître notre capacité industrielle et notre arrogance.
- Le principe de précaution , qui veut que l'on ne développe un produit ou une activité qu'après avoir dûment vérifié ses impacts potentiels et pris toutes les mesures pour éviter des dégâts à l'environnement.
- Le principe de responsabilité , qui fait aussi porter les risques à ceux qui mettent sur le marché un produit dangereux ou qui exercent des activités potentiellement nuisibles pour l'environnement. Ce principe prévoit que le pollueur paye les dégâts éventuels. Il incite les Etats et les individus à prendre leurs responsabilités pour prévenir des dommages à l'environnement.
- Le respect des limites , par l'adoption de modes de production et de consommation compatibles avec la capacité écologique de la Planète ainsi que par une politique de développement visant à stabiliser voire réduire la population mondiale, grâce à des programmes d'éducation et de santé notamment.
Un rééquilibrage de la mondialisation
La mondialisation d'un seul système économique est vouée à l'échec. La mondialisation doit stimuler le développement au sein de tous les systèmes, les mettre en synergie par des échanges ouverts mais équilibrés.
De plus, la mondialisation économique doit s'inscrire dans une mondialisation globale qui inclue la mise en valeur de la diversité des cultures, de la diversité de la nature, de la protection de l'environnement, de la lutte contre la pauvreté et de la promotion des valeurs éthiques. A l'occasion de la Journée mondiale de l'environnement, j'aimerais définir cinq priorités d'action concrète dans le domaine de l'environnement pour contribuer à un rééquilibrage de la mondialisation :
- Commerce et environnement : Les systèmes commerciaux et environnementaux devraient bénéficier du même poids, se respecter et se soutenir mutuellement. C'est le but que la Suisse poursuit dans le cadre des discussions menées au sein de l'OMC pour définir, d'ici à la fin 2004, le lien entre les réglementations commerciales et les accords multilatéraux environnementaux. Dans le domaine de la production de marchandises, il est essentiel que la délocalisation de la production dans un pays aux normes environnementales moins élevées et donc aux conditions de production moins coûteuses ne soit plus attractive. La mondialisation peut jouer ici un rôle important : si elle aboutit à l'établissement de conditions de production équivalentes en ce qui concerne l'environnement, elle peut mettre fin au dumping environnemental.
- Après l'adoption de trois conventions dans le domaine des produits chimiques (Bâle, Stockholm et Rotterdam), il faut garantir une parfaite coordination entre ces conventions, développer de nouveaux accords sur les métaux lourds et les perturbateurs hormonaux et engager davantage la responsabilité des producteurs de produits chimiques face aux risques encourus par la santé et l'environnement.
- Afin de ralentir et de stabiliser les changements climatiques , il faut ratifier et mettre en œuvre rapidement le Protocole de Kyoto, et mettre en chantier un nouveau protocole plus ambitieux pour les années après 2012.
- Dans le domaine de l'eau , il faut réduire les gaspillages, dans l'agriculture en particulier. L'approvisionnement en eau de qualité, en quantité suffisante, doit être assuré par une protection des écosystèmes qui captent, filtrent, stockent et redistribuent l'eau, comme les forêts, les zones humides et les sols gérés correctement.
- Pour conserver la vie dans toute sa diversité , il faut créer des zones protégées et exploiter les autres espaces naturels de manière durable, en mettant en valeur les avantages économiques de la diversité biologique, notamment dans les domaines du tourisme, de la pharmacologie, de l'agriculture, de l'approvisionnement en eau et de l'équilibre général de la Planète. Les populations qui conservent et gèrent durablement les forêts et les autres milieux naturels doivent recevoir une compensation pour les services qu'elles rendent dans l'intérêt général.
Finalement, la Suisse est - lors de la Journée internationale de l'environnement - fière de pouvoir mettre à disposition à Genève les infrastructures appropriées pour accueillir de nombreuses organisations internationales actives dans le domaine de l'environnement et du développement. S'y ajoutent les missions diplomatiques de 134 pays, dont la contribution est précieuse et indispensable. La Suisse est prête à continuer à offrir les infrastructures nécessaires au maintien et au renforcement des organisations internationales à Genève, afin d'optimaliser leur collaboration et les synergies entre elles.
Philippe Roch, Dr ès sc.
Curriculum vitae
Philippe Roch est originaire de Lancy (canton de Genève), où il est né le 13 septembre 1949. Docteur en biochimie (Université de Genève - 1977), il s'est engagé très tôt pour la protection de la nature et de l'environnement. Membre du parti démocrate chrétien, il a été conseiller municipal de la commune de Lancy de 1971 à 1973 et député au Grand Conseil de la République et canton de Genève de 1973 à 1981. Il a été successivement responsable romand du WWF puis membre de la direction nationale du WWF Suisse jusqu'en 1992. Le Conseil fédéral l'a nommé directeur de l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) en 1992. Après 13 ans passés à la tête de l'office, Philippe Roch a quitté ses fonctions à fin septembre 2005.
Sur le plan national, outre la responsabilité générale de l'office, Philippe Roch s'est particulièrement engagé pour la mise en oeuvre de la loi sur la réduction des émissions de CO2, le développement de la législation sur le génie génétique, la mise au point de labels de certification pour les forêts suisses, la conservation des marais et paysages marécageux, comme ceux de la rive sud du lac de Neuchâtel et la protection des espèces menacées comme le lynx. M. Roch a également été membre du Comité de pilotage Recherche, qui coordonne et planifie la recherche dans l'administration fédérale.
Au niveau international, Philippe Roch a représenté la Suisse dans les négociations internationales environnementales avec le titre de secrétaire d'État. Il s'est notamment engagé dans les domaines de la biodiversité, du climat, des déchets, des produits chimiques et de l'eau et pour le renforcement du PNUE et de la gouvernance environnementale mondiale ainsi que pour la responsabilité civile pour les dégâts causés à l'environnement. M. Roch était membre et deux fois co-président du Conseil d'administration du Fonds pour l'environnement mondial (FEM/GEF). Il a fait partie du Conseil d'administration de l'Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR), dont il est depuis 2005 Senior Special Fellow. Il a également été président de la Conférence des Parties à la Convention de Bâle (1999-2002) et de la Conférence des parties à la Convention de Rotterdam (2004-2005). Il est membre du Conseil de fondation et du bureau du GCSP (Geneva Center for Security Policy).
Philippe Roch travaille actuellement comme consultant indépendant dans le domaine de l'environnement. Il est membre du Conseil de la Fondation Hainard, de la Fondation Pro Specie Rara, de la Station ornithologique de Sempach, de la Fondation Salvia, de la Fondation Addax & Oryx, de la Fondation Franz Weber et de l'association Helvetia Nostra. Philippe Roch est membre du conseil scientifique du certificat de formation continue en développement durable à l'Université de Genève, et il collabore avec l'Institut de politiques territoriales et d'environnement humain à l'université de Lausanne. Il consacre une grande partie de son temps à la recherche, à l'écriture et à la communication sur les questions écologiques, philosophiques et spirituelles. Il est membre du Comité d'éthique et de déontologie de l'Université de Genève.
Philippe Roch a reçu le 30 mai 2008 un doctorat en géosciences et environnement honoris causa de l'Université de Lausanne "pour son apport à la prise de conscience environnementale et au développement des connaissances en ce domaine en Suisse et à l'étranger, pour son humanité et son non-conformisme éclairé".
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Black 47
Triste anniversaire ! Il y a 160 ans 1 million de personnes mourraient en Irlande, et 1 million devaient émigrer, à cause d'une famine provoquée par le mildiou de la pomme de terre, dans une population miséreuse de petits fermiers qui dépendait totalement de ce tubercule. Trois facteurs se sont combinés pour aboutir à ce désastre : la surpopulation, la dépendance d'une seule culture, et la détérioration du climat.
Nous sommes peut-être en train d'emprunter le même chemin, à l'échelle mondiale. L'agriculture industrielle nous fait dépendre de quelques variétés de riz, de blé et de maïs, ce qui rend ces cultures fragiles en cas de maladie ou de changements climatiques. La population à nourrir a doublé depuis 1960 et quadruplé depuis 1900, et les terres cultivables diminuent, à cause des sécheresses et des inondations selon les régions.
La conquête de nouvelles terres sur des espaces naturels nous prive des réservoirs de la biodiversité, seuls capables de régénérer nos plantes domestiques, et la mondialisation déstabilise les marchés locaux au détriment des petits paysans qui sont les gardiens de la variété génétique des plantes cultivées.
Il faut prendre trois mesures pour éviter un Black 47 planétaire : maintenir de vastes espaces naturels, stabiliser et progressivement réduire la population humaine, et soutenir une agriculture locale, diversifiée, en harmonie avec la nature.
Growth and globalization
Growth and Globalisation
Growth and globalisation are two close relatives, but they are not identical.
Globalisation deals with free movements of people and goods, worldwide communication, transfer of technologies, share of knowledge, ideas and cultures.
Growth deals with quantities of persons and goods. Globalisation is about being more, growth about having more.
Globalisation is a strong driver of growth. Free trade, multinational companies, easy transportation, and rapid communications open opportunities for investments and create markets for local production. The globalisation-growth nexus creates opportunities for sustainable development, so long as it does not exhaust non renewable resources nor overuse and destroy natural ecosystems.
Growth is a paradox, because we need growth to meet the needs of people, especially the poorest among us, but a permanent global growth is impossible in a finite system[i]. This limitation to growth has been expressed in different ways by many authors and publications: the limits to growth[ii], the finite world[iii], the full world[iv], and is part of the notion of sustainable development[v].
Studies demonstrate that we already exceed the productive capacity of nature by 25% (the ecological footprint[vi]) or 30 % (the living planet index[vii]), and that 60 % of the ecosystems are overused (the millennium ecosystem assessment[viii]).
One way to decouple economic growth from an increased use of resources consists in developing efficient technologies: do more with less energy, use natural resources in a way to maintain or enhance their productive capacities, recycle materials and wastes. Many studies indicate such possibilities ( Factor 4[ix], the 2000 W society[x]), and political decisions such as the Kyoto protocol are moving in that direction.
But we don’t know, whether it will be possible to meet the needs of a growing population only with improvement in technology. Wiser consumption patterns, a more equitable share of the available goods among all human beings and a stabilisation of human population are all part of the solution.
In Nature the rule “one birth one death” prevails[xi]. Exceptions are local, limited in time and generally followed by population collapses[xii]. Humankind as a whole infringes this rule and doubled between 1900 and 1960 and again between 1960 and 2005. With a stabilised or reduced population, and a more equitable share of production and wiser consumption, technological progress and economic growth could benefit all humankind, while reducing the pressure on nature.
Nature is a model for a globalised system that is not based on growth. Nature is:
One living system, where all elements are interdependent and based on a common genetic basis
Highly diverse
Very dynamic, creative and productive, producing every year 577’000 km3 of fresh water (evaporation), billions of tons of biomass (wood, fuel, medicinal plants, meat, fish)
Recapturing its CO2 emissions and recycling all its products in new resources
Functioning 100 % upon geothermal and solar energy.
Lessons learned from Nature could help us to promote sustainable development.
Dr Philippe Roch, former State Secretary for the Environment , Switzerland
Voeux pour 2007
Je veux faire quelque chose pour que cette année soit vraiment bonne. La Terre va mal. L'humanité consomme en moyenne 25% de plus que ce que la nature peut offrir, et nous les Suisses, 3 fois plus que ce que notre pays peut produire. Aucun système n'est durable dans ces conditions.
Alors je prends 5 résolutions pour la nouvelle année:
Le protocole de Kyoto demande une réduction de 5% des émissions de CO2. Je réduirai les miennes de 10%: 10% de moins de km en voiture et un voyage à l'étranger en moins dans le cadre de mes missions pour l'ONU. Quant au chauffage, les changements climatiques ont déjà fait le travail avec cet hiver doux.
Je ne veux pas de nouvelles centrales nucléaires. Je réduirai donc ma consommation d'électricité de 10% et je renouvelle mon abonnement aux tarifs plus élevés pour de l'électricité renouvelable.
Je doublerai mes dons aux organisations de protection de l'environnement, car elles ont le poids d'infléchir les décisions politiques.
Je veillerai lors de mes achats à choisir les produits les plus écologiques: bio, durable, recyclable, peu d'emballages.
Enfin, puisque nous sommes en année électorale, je voterai pour des candidats qui s'engagent sérieusement à mieux protéger la nature, à développer les énergies renouvelables et les transports publics et à faire payer aux pollueurs les dégâts qu'ils engendrent.
Vous vous joignez à moi? Chiche! Bilan dans une année!
Livrer la nature au marché?
Chargé de la synthèse d’une journée d’études de l’Université de Genève[1], j’ai dû répondre non à cette question. L’environnement ne peut pas être confié au marché, parce qu’il est beaucoup plus que le marché. La nature est source de toute vie, alors que l’économie n’est que l’un des instruments pour améliorer la vie des humains.
Nous venons de la nature, nous vivons de la nature et nous retournerons à la nature.
L’air, l’eau, les paysages, les plantes et les animaux sont des ressources naturelles indispensables à l’économie. Les marchés ne paient pas ces ressources, ni les déchets dont ils polluent la nature.
Même le père de l’économie de marché, Adam Smith a dit que le marché libre ne peut fonctionner sans la vertu. Or la vertu, c’est le respect des autres (la responsabilité sociale) et le respect de la nature (la responsabilité écologique).
Pour que l’économie utilise les ressources avec parcimonie, et diminue les pollutions, il faut fixer des règles (les normes environnementales) et donner un prix aux ressources naturelles, par des taxes préalables d’élimination (par exemple sur les piles et les appareils électroniques) et des taxes environnementales (taxe CO2).
Pour que la politique environnementale soit efficace, elle doit collaborer avec l’économie, sans pour autant se soumettre à elle.
[1] http://www.vur-ade.ch/pdf/veranstaltungen/tagung0610doku.pdf
La valeur de la nature
50 ans de Pro Nature Vaud
La valeur de la Nature
Bilan et perspectives
Par Philippe Roch
La Nature est la source de nos vies. Or c’est au moment où nous avons le plus de capacités scientifiques de comprendre la valeur de la nature pour l’humanité que nous la détruisons à grande échelle. L’article présente une brève histoire de la relation entre l’homme et la nature, une analyse des causes du déséquilibre actuel et quelques idées pour changer le cours des choses.
La ligue vaudoise, 50 ans d’action naturaliste
Je suis particulièrement reconnaissant à Jean Mundler et à vous tous de m’avoir invité à célébrer avec vous ce 50e anniversaire, car mon histoire personnelle avec la Ligue vaudoise a été au début parsemée de conflits, ou plutôt d’irritations dues à des styles et des histoires différentes. Le WWF, remuant, connaissait des succès médiatiques générant un peu de jalousie de la part des naturalistes plus discrets, engagés depuis longtemps sur le terrain. L’affaire du Creux du Croue, que le WWF s’est fait souffler par la commune de St-Cergues sur intervention de Pro Natura est un bon exemple des cette période de tensions.
Pourtant je n’ai jamais cessé d’admirer l’œuvre de la Ligue, puis Pro Natura: je suis un homme de la nature. J’estime que l’action politique est nécessaire, mais notre préoccupation est d’abord la nature. J’ai donc toujours été proche, et membre de Pro Natura. J’ai partagé avec vous beaucoup de beaux moments, et développé de belles relations humaines, avec Pierre Goeldlin, Serge et Florence Monbaron, Pierre Hunkeler, Jean Mundler, Michel Antoniazza, Christian Rouiller, l’équipe de la rive sud. Nous comptons aussi de belles réalisations communes : les campagnes de Pro Natura Helvetica, le Pays d’Enhaut, la Grande Cariçaie.
Vous avez fait un magnifique travail : bravo et merci ! Et je suis heureux que Pro Natura ait réaffirmé son engagement pour la nature, comme cœur de son action.
Sur le plan national
La protection de la nature plonge ses racines dans le romantisme patriotique du 18e au milieu du 20e siècle. Dès le début du XXe siècle, et surtout dans les années 1960 apparaissent l’écologie scientifique et l’écologie politique dont on peut mentionner quelques étapes importantes :
Création de la Commission pour la protection de la nature et du paysage (1936), qui s’est d’abord occupée de l’impact des barrages et des routes.
Inventaire IFP (sur la base du travail de la LSPN) (1963)
Loi sur la nature et le paysage (1966)
Constitution fédérale (1967), mesures urgentes (1970), loi sur l’aménagement du territoire (1980)
Rothenturm (6.12.1987) : l’initiative pour la protection des marais et des paysages marécageux donne clairement des compétences à la Confédération en matière de protection de la nature, réservées jusques-là principalement aux cantons..
Les parcs naturels (nouvelle loi en 2006). Cette loi permet la création de nouveaux parcs nationaux, tant plaidés par Pro Natura, et la création de parcs naturels régionaux au sien desquels il faudra veiller à une haute qualité écologique. L’ordonnance devra prévoir des critères clairs pour l’attribution du label par la Confédération. Le canton de Vaud est concerné par le Parc jurassien vaudois et les projets de Gruyères-Pays d’Enhaut, des Bois du Jorat (périurbain) et encore le Parc National du Muveran pour lequel il ne faut pas baisser les bras.
Les alliances
La protection de la nature ne peut pas réussir toute seule. Elle a besoin d’alliers, même si ces relations peuvent s’avérer difficiles. Je pense en particulier à :
La forêt. La protection de la nature a une longue histoire conflictuelle avec les milieux forestiers, qui ont eu trop d’argent pour construire des routes forestières, puis plus assez pour entretenir la forêt. La situation politique actuelle et l’initiative de Franz Weber représentent des chances à saisir pour une gestion plus naturelle des 30% de la surface de notre pays..
L’agriculture. Le vote populaire du 9 juin 1996 et les exigences de l’OMC, ont provoqué une lente conversion des milieux agricoles. Nous avons besoin de défenseurs de la surface agricole contre le morcellement et l’urbanisation de notre pays.
La chasse. Les rapports avec les chasseurs sont souvent difficiles, mais la collaboration est indispensable. L’exposition Fischen, Jagen Schiessen à Berne en 2004, où l’OFEFP a vanté la protection et l’utilisation durable de la nature a été une occasion de rapprochement entre protecteurs de la nature et chasseurs.
Le tourisme, qui tire ses plus belles images des paysages marécageux et autres sites naturels.
Pourquoi avons-nous échoué sur l’essentiel ?
Nous avons obtenu des succès remarquables, mais nous n’avons pas été capable d’influencer les facteurs fondamentaux qui menacent la nature, parmi lesquels je compte :
· La démographie : La Suisse comptait 3,2 millions d’habitants en 1900, 4,7 millions en 1950 et en compte 7,4 millions en 2006. La population suisse a donc plus que doublé en un siècle.
· Les constructions et l’aménagement du territoire : comment a-t-on pu en arriver là 200 ans après Rousseau, Goethe ou Hodler, et les élans romantiques du XIXe siècle? La pays est miné de routes et de constructions, et la concentration agricole fait craindre le pire pour l’avenir.
· Les routes et le trafic motorisé ont pris des dimensions effarantes, affectant gravement notre vie quotidienne.. Et la voiture fait l’objet d’un véritable culte, qui comprend son temple, la salon de l’automobile et ses nombreux sacrifices humains. Il y a eu cette année 700'000 visiteurs au salon de l’automobile à Genève et 500 au congrès Natur à Bâle. Nous avons perdu en 1978 l’initiative pour la démocratie dans la construction des routes nationales, mais gagné l’initiative des Alpes le 20 février 1994. Ne nous décourageons pas !
· Le bruit. Notre espace est totalement envahi par le bruit. Tout le monde en souffre, psychiquement et physiquement, mais dans le brouhaha des voitures, des motos, des avions, des concerts open air et des stades de football, on n’entend aucune protestation. J’ai le sentiment que les citoyennes et les citoyens sont découragés et qu’ils se sentent impuissants. Et les autorités politiques refusent d’empoigner le problème et se contentent de construire de coûteux murs antibruit et de prendre des mesures sectorielles peu efficaces.
Les grands défis mondiaux
Sur le plan mondial, la situation est dramatique. La vaste étude du « Millenium ecosystem assessment » a d’une part mis en évidence la valeur économique de la nature : 70 milliards de USD par an pour les produits de la pêche (UNEP 2006), 17 milliards (USD) par an pour l’alimentation, 2 milliards par an pour le climat, 2,8 milliards par an pour l’eau. En Suisse la contribution des forêts protectrices est évaluée à 4 milliards de francs par an. D’autre part l’étude a montré que60% des écosystèmes sont déjà surexploités.
Démographie : 2,5 mia en 1950, 6 mia aujourd’hui. Au lieu d’utiliser le progrès à vivre mieux, dans un monde riche et diversifié, on l’utilise à vivre plus nombreux, avec toujours plus de pauvres.
Biodiversité : perte de diversité. Johannesburg : stoppée jusqu’en 2010.
Mers : ¾ des espèces de poissons surexploitées. 50% des Mangroves détruites.
Forêts : 1% de forêts tropicales détruites chaque année. Brésil 2005, surface aussi grande que la Suisse. Biocarburants.
Désertification : Afrique : 485 millions en marge des déserts
Eau : 1,4 milliards d’humains sans accès à de l’eau potable. Ecosystèmes. Déclaration World Water Forum (La Haye 2000, Kyoto 2003, Mexico 2006)
Climat : la danse des sorciers autour du feu.
L’idéologie de la croissance
La politique de la croissance est une idéologie, car elle n’est pas fondée sur des constats scientifiques.
Le consensus de Washington dans les années 1960 a établi d’autorité que la croissance est la solution pour lutter contre la pauvreté. Or à cause de la surexploitation des ressources naturelles et de l’augmentation de la population il y a davantage de pauvres aujourd’hui qu’en 1960 !!!
Nous sommes en présence d’une idéologie politique car la croissance globale est impossible dans un système limité. L’économiste Georgiescu Roegen a dit : « celui qui pense qu’il est possible de croître indéfiniment dans un monde fini est un fou ou un économiste ».
En 1857 déjà John Stuart Mill se posait la question „A quelle finalité la société tend-elle par son progrès industriel? Quand le progrès s’arrêtera, dans quel état peut-on s’attendre qu’il laisse l’humanité ?“
Même Adam Smith, le chantre de la main invisible et père du néolibéralisme avait reconnu que les mécanismes du marché libre ne pouvaient pas conduire au progrès sans la vertu.
Pourtant les signaux d’alarme n’ont pas manqué. En 1968 Rachel Carson publiait le printemps silencieux, pour dénoncer les pollutions chimiques. Dès 1972, les prises de position se multiplient :
Club de Rome « limites de la croissance » (1972)
« Nous n’avons qu’une terre » : Barbara Ward et René Dubos
« Population, ressources et environnement » de Paul et Anne Ehrlich
« Changer ou disparaître », The Ecologist
« Avant que nature ne meure », de Jean Dorst (1978)
Pro Natura 1987 : « Croissance et développement : où allons-nous ? La protection de la nature et de l’environnement réclament un arrêt de la croissance »
Quant à Robert Hainard, dont nous célébrons cette année le 100e anniversaire, il a consacré une grande partie de son œuvre à la critique de la croissance, qu’il a clairement séparé du progrès. Il a imaginé un monde technologiquement très développé dans une vaste nature sauvage. « Le but vers lequel tendre, c’est une civilisation où la technique servira à épargner la nature et non pas à la détruire ». Et encore : « Au cours de sa vie, la grenouille a un ou deux milliers d’œufs, dont deux aboutiront à des individus reproducteurs ». « Une expansion démographique indéfinie est impossible. Une vie doit remplacer une mort, c’est la règle fondamentale qui ne souffre que de brèves dérogations. »… « Est-il sensé, pour maintenir pendant quelques générations un excédent démographique, de sacrifier (si c’était possible) toute vie sauvage, de défricher la Terre entière, de supprimer toute liberté, tout amour (car pas de liberté sans espace, ni d’amour sans choix) pour nous heurter bientôt, de toute manière, au bilan implacable : une vie pour une mort – eût-on défriché l’Amazonie, irrigué le Sahara, le désert de Gobi, urbanisé l’Antarctique ? Le pire fléau pour une espère est la surpopulation.». Le récent ouvrage de Jared Diamond, Effondrement, lui donne raison en confirmant que bien des civilisations ont disparu parce que leur population a crû au delà de la capacité de leur milieu à les nourrir.
Le développement durable
La notion de développement durable est un effort de réconciliation entre les besoins de développement humain et ceux de la protection de la nature. En résumé il s’agit de faire mieux avec moins. Mais cette notion a été utilisée à toutes les sauces et nous visons dans une
confusion générale qui conduit à des expressions aussi absurdes que « croissance durable ». Dans le développement durable, il n’y pas égalité, mais une alliance entre nature, économie et société.
Le développement durable, c’est l’organisation de l’économie et de la société de telle manière à conserver à long terme la beauté, la diversité et la productivité de la nature. Grâce à cette approche, la nature peut offrir de manière durable ses services inestimables à l’économie et à la société.
Ce sont l’UICN, le PNUE et le WWF qui en 1980 ont créé la notion de développement durable. La Stratégie mondiale de la conservation est sous-titrée : « La conservation des ressources vivantes au service du développement durable », et elle contient déjà l’essentiel des notions qui sont à la base des travaux de la Commission sur l’environnement et le développement et de la Conférence mondiale sur l’environnement et le développement de Rio de Janeiro en 1992. La définition la plus répandue est celle que l’on trouve dans le Rapport de la commission : « Le développement soutenable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ».
économie
société ∆ environnement
Fig. 1 : le triangle du développement durable
Le développement durable est souvent représenté par un triangle aux trois pointes égales (fig 1), la sociale, l’économique et l’environnementale. Cette représentation a l’avantage d’être simple, mais elle peut conduire à une perception erronée de la réalité. Pour simplifier disons que la nature a vécu des millions d’années sans êtres humains, alors que les êtres humains ne survivraient pas une seule minute sans la nature. Il n’y a pas égalité, mais relations multiples et dépendances entre les trois pôles du développement durable :
La nature constitue le fondement sur lequel la vie, y compris la vie économique et sociale se développe.
L’économie, c'est-à-dire la production agricole, industrielle, la construction et les services créent des biens qui contribuent à couvrir les besoins des humains et à leur épanouissement. Une économie durable est efficace et économe en ressources naturelles. Elle contribue ainsi à détendre la pression des humains sur la nature.
La justice sociale permet une répartition équitable des biens produits, et une participation démocratique aux processus de décision. Elle évite la destruction de ressources par nécessité. Chaque personne comprend mieux pourquoi il faut protéger et gérer durablement les ressources naturelles et prend ainsi mieux ses responsabilités vis-à-vis de l’environnement.
En attendant mieux, je propose le schéma suivant (Fig 2) pour illustrer le développement durable :
Une vaste nature, au sein de laquelle se développe la vie humaine, mais qui va bien au-delà.
L’épanouissement humain, posé comme une flèche, parce qu’il est le but du développement durable, ou une maison, parce qu’elle exprime l’humain par différence avec son complément la nature, sur l’humus de la nature, dont il tire un profit direct (l’air, l’eau, la cueillette des fruits sauvages, la chasse, la jouissance d’un beau paysage, la tranquillité, l’inspiration mystique, etc.) et auquel il apporte soins et protection.
Le moteur économique qui exploite les ressources naturelles pour créer des biens et services. Ce moteur est durable si son efficacité permet d’économiser les ressources et de les recycler.
Le seul apport extérieur à ce système qui puisse compenser l’augmentation de l’entropie (2e principe de la thermodynamique) est l’énergie solaire.
Aujourd’hui ce système est boulversé car le moteur économique est devenu un but en soi. Il a pris des proportions démesurées. Il a volé la priorité à l’épanouissement humain et provoque des destructions massives de la nature.
Fig. 2 : Un développement durable basé sur la nature, pour l’épanouissement humain
Je déduis de ces réflexions trois questions qui permettent d’apprécier si un projet va dans le sens du développement durable :
Par son emplacement, son emprise, les précautions prises et les compensations envisagées, le projet permet-il de maintenir, voire d’augmenter les valeurs naturelles telles que paysage, et biodiversité ?
Le projet permet-il d’améliorer les conditions de vie de la population humaine dans sa zone d’influence, telles que qualité de vie, formation, culture, participation, emploi ?
Le projet permet-il de produire un bien en réduisant la consommation de ressources et en favorisant leur recyclage ?
Et demain ?
Malgré nos échecs, l’action des organisations de protection de la nature et de l’environnement a apporté une contribution inestimable à la sauvegarde des ressources naturelles et au bien être de l’humanité. Il faut donc poursuivre cette action sur le terrain par des mesures concrètes, par un engagement politique local, national et international, par la promotion des valeurs de respect, de frugalité et d’amour, et par l’éducation des enfants, des jeunes et des adultes.
Il faut s’engager pour maintenir le droit de recours, qui s’est révélé un instrument efficace pour l’application des lois. Ce droit n’est en rien abusif comme le montrent les dernières statistiques : 16 organisations ont interjeté 244 recours pour 100'000 autorisations, et 82 % des recours ont été acceptés par les Tribunaux, montrant leur bien fondé.
Mes cinq messages :
L’engagement personnel, à tous niveaux, est la clé du succès : prendre position, éduquer, s’engager.
L’alliance avec l’agriculture est capitale
Il faut s’attaquer à nouveau à la question de l’aménagement du territoire
Croissance, routes et démographie : des tabous à briser
Le développement durable peut devenir un fourre-tout dangereux pour la nature : restons fidèles à la nature, fondement du développement durable.
Une mondialisation sur le modèle de la nature
Philippe Roch, directeur de l'OFEFP, souhaite que l'on prenne davantage en compte les aspects non économiques de la mondialisation. Celle-ci doit également intégrer les questions sociales et environnementales. Pour que le processus de mondialisation se fasse de manière équilibrée, il faut faire davantage d'efforts dans les domaines du commerce, de la chimie, du climat, de l'eau, de la biodiversité et de la sécurité biologique.
Les tensions politiques, les guerres, les migrations, la pauvreté, la destruction de la nature ne sont pas dues au hasard, mais à des déséquilibres en grande partie générés par les êtres humains eux-mêmes.
Plus d'un milliard et demi d'êtres humains n'ont pas accès à de l'eau propre, et les bases d'existence des plus pauvres se détériorent constamment. Chaque année, 10 millions d'hectares de terres irriguées doivent être abandonnés et plus de 12 millions d'hectares de forêts sont détruites seulement sous les tropiques. Quelque 24% des mammifères vivants sont gravement menacés de disparition. De nombreuses terres sont en voie de désertification, privant des populations entières de tout espoir de développement.
Le processus de mondialisation tel qu'il se déroule actuellement ne peut pas résoudre ces problèmes. Il comporte au contraire de graves dangers pour l'environnement de la planète, pour la sécurité et pour le développement, parce qu'il est incomplet et qu'il conduit à la domination d'un système économique et politique sur tous les autres.
Equilibre dynamique fondé sur la diversité
Or la nature nous donne un modèle de mondialisation, de globalisation qui a survécu pendant des millions d'années sans se détruire, sans faire faillite, en produisant une quantité inimaginable de biens et une infinie diversité. Au cours de l'évolution, chaque fois qu'une espèce s'est multipliée au point de dominer les autres, elle a subi des revers catastrophiques - tels que famines ou épidémies - qui ont ramené sa population à un niveau raisonnable.
Construite sur des éléments biochimiques simples communs à tous les êtres vivants, la nature s'est diversifiée infiniment, créant toutes les variations possibles de formes et de couleurs dans une grande communauté vivante dont tous les membres dépendent les uns des autres.
Le prédateur dépend de la disponibilité des proies pour survivre, mais les proies dépendent de la présence des prédateurs pour que leurs populations restent en bonne santé et en nombre raisonnable. Dans la nature, personne ne domine l'autre, mais tous dépendent les uns des autres, dans un équilibre dynamique fondé sur la diversité.
Principes de respect
Pour atteindre des objectifs de développement, de paix et de sécurité, la mondialisation devrait s'inspirer de la nature, et reposer sur quelques principes simples de respect et de solidarité:
- Le respect de tous les groupes humains , dans la diversité de leurs cultures et de leurs économies, qui se sont développées en liaison étroite avec leur environnement.
- Le respect de la nature et de l'environnement , qui constituent la maison dont nous dépendons totalement, malgré l'illusion de puissance et d'indépendance que peuvent faire naître notre capacité industrielle et notre arrogance.
- Le principe de précaution , qui veut que l'on ne développe un produit ou une activité qu'après avoir dûment vérifié ses impacts potentiels et pris toutes les mesures pour éviter des dégâts à l'environnement.
- Le principe de responsabilité , qui fait aussi porter les risques à ceux qui mettent sur le marché un produit dangereux ou qui exercent des activités potentiellement nuisibles pour l'environnement. Ce principe prévoit que le pollueur paye les dégâts éventuels. Il incite les Etats et les individus à prendre leurs responsabilités pour prévenir des dommages à l'environnement.
- Le respect des limites , par l'adoption de modes de production et de consommation compatibles avec la capacité écologique de la Planète ainsi que par une politique de développement visant à stabiliser voire réduire la population mondiale, grâce à des programmes d'éducation et de santé notamment.
Un rééquilibrage de la mondialisation
La mondialisation d'un seul système économique est vouée à l'échec. La mondialisation doit stimuler le développement au sein de tous les systèmes, les mettre en synergie par des échanges ouverts mais équilibrés.
De plus, la mondialisation économique doit s'inscrire dans une mondialisation globale qui inclue la mise en valeur de la diversité des cultures, de la diversité de la nature, de la protection de l'environnement, de la lutte contre la pauvreté et de la promotion des valeurs éthiques. A l'occasion de la Journée mondiale de l'environnement, j'aimerais définir cinq priorités d'action concrète dans le domaine de l'environnement pour contribuer à un rééquilibrage de la mondialisation :
- Commerce et environnement : Les systèmes commerciaux et environnementaux devraient bénéficier du même poids, se respecter et se soutenir mutuellement. C'est le but que la Suisse poursuit dans le cadre des discussions menées au sein de l'OMC pour définir, d'ici à la fin 2004, le lien entre les réglementations commerciales et les accords multilatéraux environnementaux. Dans le domaine de la production de marchandises, il est essentiel que la délocalisation de la production dans un pays aux normes environnementales moins élevées et donc aux conditions de production moins coûteuses ne soit plus attractive. La mondialisation peut jouer ici un rôle important : si elle aboutit à l'établissement de conditions de production équivalentes en ce qui concerne l'environnement, elle peut mettre fin au dumping environnemental.
- Après l'adoption de trois conventions dans le domaine des produits chimiques (Bâle, Stockholm et Rotterdam), il faut garantir une parfaite coordination entre ces conventions, développer de nouveaux accords sur les métaux lourds et les perturbateurs hormonaux et engager davantage la responsabilité des producteurs de produits chimiques face aux risques encourus par la santé et l'environnement.
- Afin de ralentir et de stabiliser les changements climatiques , il faut ratifier et mettre en œuvre rapidement le Protocole de Kyoto, et mettre en chantier un nouveau protocole plus ambitieux pour les années après 2012.
- Dans le domaine de l'eau , il faut réduire les gaspillages, dans l'agriculture en particulier. L'approvisionnement en eau de qualité, en quantité suffisante, doit être assuré par une protection des écosystèmes qui captent, filtrent, stockent et redistribuent l'eau, comme les forêts, les zones humides et les sols gérés correctement.
- Pour conserver la vie dans toute sa diversité , il faut créer des zones protégées et exploiter les autres espaces naturels de manière durable, en mettant en valeur les avantages économiques de la diversité biologique, notamment dans les domaines du tourisme, de la pharmacologie, de l'agriculture, de l'approvisionnement en eau et de l'équilibre général de la Planète. Les populations qui conservent et gèrent durablement les forêts et les autres milieux naturels doivent recevoir une compensation pour les services qu'elles rendent dans l'intérêt général.
Finalement, la Suisse est - lors de la Journée internationale de l'environnement - fière de pouvoir mettre à disposition à Genève les infrastructures appropriées pour accueillir de nombreuses organisations internationales actives dans le domaine de l'environnement et du développement. S'y ajoutent les missions diplomatiques de 134 pays, dont la contribution est précieuse et indispensable. La Suisse est prête à continuer à offrir les infrastructures nécessaires au maintien et au renforcement des organisations internationales à Genève, afin d'optimaliser leur collaboration et les synergies entre elles.
Rencontres avec Philippe Roch
Fraternité de Pirassay
Rencontres spirituelles et méditations. Pour vous inscrire à la Fraternité de Pirassay, et recevoir les programmes d’activités détaillés, envoyer vos coordonnées et motivation à phr@pirassay.ch
La fraternité informe régulièrement sur ses activités sur Facebook, Groupe Nature et spiritualité :
https://www.facebook.com/groups/Philippe.Roch
ONU Genève
17 avril
Colloque international
Convergence des consciences vers les ODD : chemins et leviers Informations et inscription : https://reg.unog.ch/event/23949/
Baulmes
21 avril
Ma spiritualité au naturel Conférence, marche méditative, méditation dans la nature Informations et inscription :
Le salon du livre
Genève
Table ronde
La scène du Moi
Vendredi 27 avril
Détails : http://www.salondulivre.ch/fr/
Château de Bossey
1 – 3 juin 2018
La place et la responsabilité de l’humain dans la nature
Présentation :
https://brotfueralle.ch/content
Inscription :
https://form.jotformeu.com/80294320879362
site transition intérieure :
https://painpourleprochain.ch/transition-interieure